Bibliophagie

L’iconophagie, le fait d’ingérer des images, est une pratique ancienne, à la fois magique, curative, religieuse, qui a tour été célébrée ou condamnée. Il peut s’agir de boire de l’eau qui a ruisselé sur une sculpture ou touché une relique, gratter un tableau puis absorber la matière qu’on a ainsi récupérée, manger des pains d’épices ou des gaufres moulés à la forme de personnages… S’appropriant l’image par la digestion, on s’en attribue la force, le pouvoir bienfaisant. C’est à la fois un geste enfantin (tel chocolat à figure animale, tel biscuit figuratif…), thérapeutique (l’historien de l’art Jérémie Koering[1] nous raconte qu’au vie siècle, Théodore Picridios, préfet d’Afrique souffrant de problèmes intestinaux, raconte avoir été guéri par l’ingestion d’un cachet à l’effigie de Syméon le Stylite, saint réputé guérisseur), sacré. Poursuivant et transposant le geste, le Service des Panacées propose un rituel de bibliophagie à travers l’ingestion de reproductions de couverture de livres sur supports comestibles en rappelant que « savoir » et « savourer » ont la même étymologie, le latin « sapere » : avoir du goût, exhaler une odeur, avoir de l’intelligence, du jugement[2].

Premier rituel bibliophagique au Frac Sud, 18 décembre 2024 :

Photos © Adèle Mélice-Dodart sauf photos n°8 et 9 © Charles Guirriec.

Les livres de ce premier rituel bibliophagique ont été choisis au sein du corpus littéraire des « bibliothèques éphémères » du Centre de documentation-recherche du Frac Sud. Nombre d’entre eux ont été prescrits en consultation-performance.  


[1] Jérémie Koering, Les Iconophages – une histoire de l’ingestion des images, Actes Sud, coll. « Les apparences », 2021.

[2] Voir le Gaffiot.