Qu’est-ce que c’est ?

Le Service des Panacées est une instance de création et de transmission littéraire créée par Laure Limongi qui a trois objectifs :

1) Proposer des consultations pendant lesquelles, au cours d’un échange, la responsable du Service des Panacées prescrit des livres.

2) Constituer un corpus, une sorte de dictionnaire médical de la littérature, c’est-à-dire lire ou revisiter des livres à travers une grille librement inspirée de modèles médicaux.

3) Créer des formes plastiques à partir de l’histoire des représentations du corps en médecine qui habiteront le cabinet du Services des Panacées.

Les consultations

Au moment de la prise de rendez-vous par e-mail doit être énoncé un « trouble », terme volontairement ancré dans la sensation qui peut certes avoir des connotations médicales mais les excède.

La responsable du Service des Panacées reçoit les personnes qui se sont inscrites en consultation afin de leur proposer un traitement livresque, avec une posologie et une durée. Les consultations ont lieu en personne (pas de rendez-vous en visio).

À l’issue du traitement, ces personnes sont invitées, si elles le souhaitent, à remplir un formulaire post-consultation qui a pour but de :

– faire évoluer les consultations en fonction de leurs expériences ;

– nourrir l’écriture du dictionnaire littéraire de prescriptions.

Sont également organisées des conférences performances (publiques) pendant lesquels une famille de trouble particulière et la bibliographie qu’on peut lui appliquer est explorée.

Le Service des Panacées débute en septembre 2023 à la Villa Médicis dont Laure Limongi est pensionnaire.

(Jusqu’en août 2024, les consultations et performances auront donc lieu exclusivement à Rome. Elles voyageront ensuite.)

Bases & directions

Le Service des Panacées a des liens de connivence avec la bibliothérapie telle que définie par Marc-Alain Ouaknin1. Il convient de préciser qu’il s’agit d’une entreprise littéraire et artistique et non de développement personnel. La démarche, ici, est de bibliothérapie créative, elle entend ne pas simplifier la portée polyphonique, complexe, parfois inattendue, des textes littéraires, et ne surtout pas les instrumentaliser.

Si la guérison advient, on pourra vraiment dire, à la suite de Lacan, que c’est « par surcroît ». Parmi les gestes, vocabulaire ou compétences détournées dans le cadre de cette aventure artistique participative, la lexicographie permet d’analyser les étymologies, tout comme un médecin va avoir des connaissances dans le domaine moléculaire, et commander des analyses biologiques ou des images qu’il interprètera. Le domaine de traitement du Service des Panacées étant le livre, il convient d’avoir une approche à l’échelle du mot, du son.

Prenons par exemple le terme « thérapeute ». Comme c’est souvent le cas en étymologie, celle de « thérapeute » est controversée. Le Service des Panacées choisit le camp de Jean-Victor Vernhes qui, en se référant au Dictionnaire complet d’Homère et des homérides2, évoque pour Θεραπεία « un rapprochement étymologique avec θέρω “chauffer”, mais en donnant à ce mot le sens du latin foveo, qui du sens concret de “tenir au chaud” est passé au sens figuré d’“entourer de prévenances”. Le θεράπων serait “celui qui s’est voué au service de quelqu’un” ». Ce qui permet, en poursuivant cette métaphore embrasée, de considérer que le mot « thérapeute » contient la potentialité d’un « allumeur de feu », rôle que va s’attribuer la responsable du Service des Panacées : contrairement aux remèdes habituellement usités, on ne cherche pas ici à calmer le feu, mais bien à le favoriser, sous l’égide d’un John Giorno : « you got to burn to shine ».

Il n’y pas de livres anti-inflammatoires. Il n’y a que des livres inflammatoires. Cela ne veut pas dire que des livres ne peuvent pas apaiser, mais comme le souligne Philippe Forest, « la littérature authentique ne peut ni ne doit avoir de valeur consolatrice. […] [L]e roman vrai ne vient pas mettre de l’ordre dans le chaos “mais scandaleusement réveiller un désastre devenant à son tour expérience de vérité et de beauté”. »

L’aventure du Service des Panacées se distingue donc très nettement de la pensée feel good pour lui préférer un feel deep ou feel intense, une présence vivante, pleine de questionnements. Comme le souligne le psychanalyste Jean Florence, l’expression artistique peut « introduire de l’explosif […], du désir, et, par là, de l’angoisse3 », c’est pourquoi il est nécessaire de se distinguer de la veine du développement personnel pour affirmer la puissance potentielle du « traitement » qui, comme on le sait, peut être aussi virulent qu’un poison…

Si l’objet de la médecine est de lutter contre les maladies ou les prévenir et œuvrer ainsi à la bonne santé de l’être, quel serait l’ennemi du Service des Panacées ? Qu’est-ce qui ferait qu’on aurait besoin du recours de la littérature ? Comment les livres peuvent-ils agir ? Contre quoi ?

Avertissement

Le Service des Panacées n’est pas une discipline médicale, il n’est pas destiné à se substituer à une consultation médicale. C’est une proposition littéraire et artistique participative, conçue avec enthousiasme, bienveillance et tendance au détournement.

Son but n’est pas la suppression de symptômes mais l’analyse commune de « troubles ». (Comme en analyse, si la guérison advient, c’est « par surcroît ».)

Le Service des Panacées pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponses.

Il préfère l’oblique à l’évidence.

Les chemins de traverse aux autoroutes.

Il est plus inflammatoire qu’anti-inflammatoire.

Il se fie à la temporalité de la lecture.

Il expérimente avec vous.

Éthique

Comme les médecins s’engagent via le serment d’Hippocrate, le Service des Panacées exprime son éthique via une charte.


  1. Marc-Alain Ouaknin, Bibliothérapie : lire, c’est guérir, Paris, Le Seuil, coll. « La couleur des idées », 1994.
    On pourrait également citer la définition de Victoire Feuillebois et Anthony Mangeon : « la bibliothérapie désigne en effet le pouvoir qu’on accorde à la lecture de traiter des affections physiques ou psychologiques, ou encore de résoudre des questions morales ou existentielles. » (Fictions pansantes : bibliothérapies d’hier, d’aujourd’hui et d’ailleurs, Paris, Hermann, 2023, p. 5). ↩︎
  2. Napoleon Theil, Hippolyte Hallez d’Arros, Paris, Hachette 1841. ↩︎
  3. Jean Florence, « Catharsis, symbolisation et institution », dans : Patricia Attigui éd., L’art et le soin. Cliniques actuelles – Peinture, sculpture, théâtre, chant, littérature, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, coll. « Oxalis », 2011, p. 29-34. ↩︎

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